En hommage à ma grand-mère, Bertilde, qui aurait eu cent ans le 2 mai prochain, voici une lettre écrite par son père, Henri CHAIGNON, alors qu’il était mobilisé depuis cinq jours, le 7 août 1914, près de Châteauroux, à Déols. Il était forgeron de profession et toute sa petite famille, sa femme (Marie-Louise), ses deux filles (Marie-Thérèse et Berthilde, ma grand-mère qui avait alors 3 mois) et ses parents vivaient à Villevêque (49) à la Raverie.
Il écrit :
Déols-Châteauroux, 7 août 1914
Chers parents,
Depuis 5 jours seulement que je suis parti, il me semble qu’il y a déjà un mois. Combien de temps resterons-nous, nous ne pouvons le savoir. La guerre ne peut durer longtemps c’est entendu, mais ce sera les arrangements et partages qui retardera le plus, de ce fait, nous serons retenus plus longtemps. Comme nouvelles officielles, rien de bien nouveau à la frontière, quelques petites escarmouches, la besogne ne va pas manquer, ce matin il arrive 18 chevaux, tous à ferrer, je n’ai que 2 aides-maréchaux et c’est tout, hier soir le 90è d’infanterie partait, vous ne pourriez croire l’enthousiasme et l’entrain qui existe parmi ces jeunes gens, tous sans exception ont des fleurs, les voitures sont pavoisées comme des chars, ils chantent tous ( Nous l’aurons Guillaume) et La Marseillaise, sur leur passage tout le monde fait la haie, des gerbes de fleurs et de la verdure jonchent les rues, jamais on n’aurait cru à un tel patriotisme et entrain, tous y vont de bon cœur, avec la certitude d’écraser tous les Prussiens.
J’attends avec impatience des nouvelles de Ma Chère Marie Louise, Marie-Thérèse et Bertilde, ces petits anges, que ne donnerais-je pour être auprès d’eux et de vous tous. Je ne puis vous dire quand nous partirons de Châteauroux, mais en tous les cas ne vous tourmentez pas de moi, pensez surtout à ceux qui sont à la maison. Dites à ma chère Marie Louise qu’elle se soigne et ne se fasse pas de chagrin pour l’argent, elle sait où aller en chercher, elle fera changer les billets à la banque. Faites mettre la barrique de vin en bouteilles et envoyez moi un mot de suite. Papa comment allez-vous ? Soignez-vous, je vous en prie et vous aussi Maman, ce n’est pas le moment d’être malade, il faut avoir du courage, je vous le jure. Donc à bientôt de vos nouvelles et espérons que le retour sera prochain.
Je vous embrasse de tout cœur,
Votre fils affectueux,
H. Chaignon.
Ce qui est souligné l’est également dans l’original.
Je remercie mon oncle Raymond d’avoir gardé et de nous avoir transmis cette lettre ainsi que cette photo.


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