Renée Marie Gouraud d’Ablancourt (1853-1941), une romancière angevine

Tout a commencé par quelques clics sur internet. Un défi (#JeLaLis) au goût littéraire, des noms de femmes oubliées, une carte de France … Tiens ! Angers… Oh ! Ce nom est curieux… Allons voir cela de plus près… Et quelques clics plus tard, le charme avait opéré… René d’ANJOU, alias PERROT d’ABLANCOURT, alias Renée GOURAUD d’ABLANCOURT, de son vrai nom Marie Renée Joséphine MESLET, créatrice de la première super héroïne française Véga la Magicienne, allait désormais occuper pas mal de mon temps…

Vous avez déjà pu découvrir sur ce blog un petit aperçu de sa vie (Lire ici). Un an plus tard, à l’occasion de la réédition imminente du roman originel de l’Oiselle, Véga la Magicienne, chez l’Editeur Banquises et Comètes, voici quelques détails supplémentaires sur cette fascinante autrice, que Pauline Croquet évoque dans son article paru aujourd’hui dans la rubrique Pixel du journal en ligne Le Monde.


Une fille de vieux

René d’Anjou, de son vrai nom, Marie Renée Joséphine MESLET, était la fille de René François MESLET, propriétaire, originaire de Savennières, et de Julie PERROT d’ABLANCOURT. Elle naquit le samedi 1er octobre 1853 à Angers, au numéro 3 de la Rue Belle-Poignée, dans le quartier du Tertre Saint-Laurent. Son père était alors âgé de plus de 70 ans tandis que sa mère en avait à peine 30. Sa mère, précisément, était la fille d’un ancien officier de l’Armée d’Anjou, Jean PERROT d’ABLANCOURT1 et la femme de ce dernier, Joséphine de REVILLE, grand-mère de Renée, lui conta pendant toute son enfance les hauts faits de son mari au cours des guerres de Vendée.

Archives départementales du Maine-et-Loire. État civil d’Angers, 3e arrondissement. Naissances, acte n° 296 du 3 octobre 1853.

Enfance

Renée rend sans doute souvent visite à sa grand-mère maternelle, Joséphine PERROT d’ABLANCOURT, qui demeure non loin d’Angers, à Joué-Etiau. Celle-ci lui raconte peut-être les mystères de ses origines. On peut se demander en effet comment la petite Joséphine, enfant exposée à Saint-Didier dans la Nièvre, s’est retrouvée mariée à Rochefort, en Charente-Maritime, à Jean PERROT d’ABLANCOURT, digne descendant de Nicolas PERROT d’ABLANCOURT, historiographe de Louis XIV et membre de l’Académie Française ? Née sans patronyme, Joséphine est dite REVILLE à son mariage, puis REVILLE-FAYOL par la suite. Mais le grand-père de Renée est-il vraiment un descendant de cet illustre personnage ? Il est permis d’en douter, comme nous le verrons plus loin.

Le père de Renée, quant à lui, meurt en 1866. Peu après, avant même d’atteindre ses quinze ans, vers 1868, elle aurait publié – selon l’une de ses nombreuses nécrologies – ses premières nouvelles dans une revue locale angevine, que pour l’instant je n’ai pas retrouvée.

Désormais, Renée vit entourée de femmes : sa mère, sa grand-mère, mais aussi sa tante, Agathe Perrot d’Ablancourt, née le 12 octobre 1813 à Joué-Etiau. Cette dernière est encore en vie en 1911 et il semble qu’elle ne se soit jamais mariée. Renée l’évoque souvent, avec une grande tendresse, dans ses œuvres en particulier dans l’introduction de Vieille France.


Mariage avec un fabricant de papier

A 18 ans, Renée se marie avec Georges GOURAUD, le 17 juillet 1872, à Angers. Renée suit son mari à Limoges où naissent leurs premiers enfants. (Ils en auront quatre, trois filles et un garçon).

En 1873, le 18 octobre, Renée accouche de sa première fille, Renée Marie Lucie2. L’enfant naît à Limoges, rue de Brettes. Renée se fait déjà appeler Renée Joséphine MESLET d’ABLANCOURT, comme on peut le constater sur l’acte de naissance ci-dessous.

Archives de La Haute-Vienne, Limoges, Naissances, 1873 – Acte n°1378.

Le deuxième enfant de Renée est un garçon, Paul. Il est né le 30 décembre 1874, à Limoges, toujours Rue de Brettes. On peut imaginer qu’il fut très proche de sa mère. Il semble avoir hérité un peu de sa fantaisie, de son caractère fantasque. Ainsi, sur l’acte de naissance de sa nièce, en 1901, il est dit explorateur demeurant momentanément au Château du Plessis. Il s’est marié sur le tard, à 65 ans, en 1640, à Bordeaux, avec une certaine Germaine MAYEUX.

Archives de La Haute-Vienne, Limoges, Naissances, 1874.

Le 31 mars 1876, naissait le troisième enfant de Renée, une fille, prénommée Marie Clotilde3. Elle voit le jour à Saint-Martin-Terressus, non loin de Limoges.

Acte de naissance de Marie Clotilde GOURAUD, Archives de la Vienne.

Une vie de château (1878 – 1908)

Peu après, entre 1876 et 1878, c’est le retour en Anjou. Renée et son mari résident tout d’abord à La Meignanne au château de La Filotière dont ils sont propriétaires.

Le château de la Filotière – (AD49)

C’est là que naît le quatrième et dernier enfant de Renée, Marie-Cécile GOURAUD4, le 22 novembre 1878. C’est la sage-femme qui déclare l’enfant. Le père, Georges GOURAUD est en Suisse, à Bex, pour affaires…

Acte de naissance de Marie-Cécile GOURAUD – (AD49)

En 1888, la famille GOURAUD acquiert le magnifique et très romantique château du Plessis-Macé, un vrai château de princesse ! Nul doute que Renée se soit inspirée de celui-ci pour décrire son château de Val-Salut dans Véga la Magicienne ! Renée écrit en effet : Le vieux-manoir de Val-Salut construit par corvées au XIIè siècle, restauré au XVIème siècle, et tout-à-fait réorganisé pour devenir une habitation confortable (Véga, chap. XI). Or justement, selon Célestin Port, le château du Plessis-Macé est un édifice médiéval remanié au tout début de La Renaissance….        

En 1897, son pseudonyme n’était plus un secret. Dans le Carnet mondain du Journal Paris du 2 octobre 1897, on peut en effet lire ceci : On annonce le prochain mariage de Mlle Renée Gouraud avec M. le baron Pinoteau, lieutenant d’infanterie à Dreux. La fiancée est le fille de Mme Georges Gouraud, bien connue dans le monde des lettres sous le pseudonyme de René d’Anjou dont elle a signé des nouvelles charmantes et des romans d’un puissant intérêt. Quant au fiancé il appartient à une des familles les plus justement estimées de l’Anjou.

Le château du Plessis-Macé. – Archives du Maine-et-Loire

C’est au Château du Plessis-Macé que se marie sa fille aînée, en 1897. Toute l’aristocratie et la haute société de l’Anjou se trouvaient lundi dernier au château de Plessis-Macé où M. Georges Gourand et Mme née Meslet d’Ablancourt mariaient leur charmante fille Renée au baron Raymond Pinoteau, lieutenant au 101e. Impossible de rêver plus joli tableau dans un plus joli cadre… La France, 1er novembre 1897.


Vie mondaine et littéraire

Dans la seconde partie de sa vie, Renée publie énormément sous différents pseudonymes. Chaque pseudonyme a une « fonction : pour les publications sérieuses, c’est Perrot d’Ablancourt, pour celles ayant trait à la Vendée ou à connotation religieuse, c’est « Gouraud-d’Ablancourt », enfin, pour les publications plus légères, c’est René (ou même Renée pour la Presse féminine) d’Anjou. Elle tient de nombreuses chroniques que l’on retrouve en particulier dans Le Petit Echo de la Mode, L’Elan de la Mode, ou encore La Mode Illustrée, et il n’est pas rare d’y retrouver, quasiment sur la même page, un article signé de René d’Anjou et un autre de Gouraud d’Ablancourt !

C’est surtout à partir de 1896 que les publications de Renée abondent dans de multiples revues. C’est également à cette époque qu’un fait amusant est relaté par les journaux. Mme René d’Anjou et Blanche de Presles, en viennent aux mains, s’arrachant à qui mieux mieux le casque de leurs cheveux !!! Pugilat ! Joute ! Les journaux exultent !

On aimerait tant savoir la raison pour laquelle elles se sont battues comme des chiffonnières !!! Je me demande qui est cette Madame de Presles, qui s’appelle une fois Renée, une fois Blanche ??? (De rapides recherches semblent montrer que Renée de Presle était sans doute une actrice…)


            Deuils et mystères

Mais quelques deuils commencent à émailler la vie de Renée. Sa mère, Julie PERROT d’ABLANCOURT disparait en 1899, à Angers. On peut lire dans Le Gaulois du 16 février 1899 :

Mme MESLET, née PERROT d’ABLANCOURT vient de mourir à Paris, chez les Dames Augustines, dans sa 77ème année. Elle était fille du comte Jean PERROT d’ABLANCOURT, ancien chef de bataillon de l’Armée de Vendée, officier de la Légion d’honneur, et descendante de Nicolas PERROT d’ABLANCOURT, historiographe de Louis XIV. – Les obsèques ont eu lieu en l’église Saint-Joseph, à Angers.

Si le décès de sa mère est dans l’ordre des choses, la perte d’un enfant est très différente. En 1901, Renée a la douleur de perdre sa première fille, qui meurt à la naissance de son second enfant, à l’âge de seulement 27 ans. Celle-ci était venue auprès de sa mère, au Château du Plessis-Macé pour y accoucher, elle y met au monde une petite fille, le 20 août 1901, mais meurt quelques jours plus tard, le 2 septembre. La petite fille, Marie-Thérèse se porte bien. Elle épousera quelques années plus tard, le vicomte Léonce De Gibon.

Le 7 janvier 1923, Renée devient veuve ; son mari, Georges GOURAUD s’éteint. Il avait 77 ans.

Entre temps, les GOURAUD ont revendu le château du Plessis-Macé. Était-il trop grand, trop cher ou contenait-il trop de mauvais souvenirs ? Toujours est-il qu’en 1908, Monsieur Charles-Victor Langlois (1863-1929), directeur des Archives de France, spécialiste du Moyen Âge, devient propriétaire du Plessis-Macé.

Renée Gouraud d’Ablancourt meurt le 13 mai 1941 et dans le Petit Courrier du 21 juin, il est écrit :

Le Petit Courrier, 21 juin 1941.

Je n’ai pas réussi, jusqu’à maintenant, à trouver le lien entre le grand-père maternel de Renée, Jean Perrot d’Ablancourt et le fameux Nicolas Perrot d’Ablancourt5, historiographe de Louis XIV, (1606-1664) Ce dernier était membre de l’Académie française. L’acte de baptême de Jean PERROT d’ABLANCOURT, baptisé le 16 septembre 1776 à Pas-de-Jeu dans les Deux-Sèvres, ne mentionne que le patronyme PERROT.

Acte de baptême de Jean PERROT, 16 septembre 1776, Pas-de-Jeu – (Archives des Deux-Sèvres)
Ascendance maternelle de Renée Marie GOURAUD d’ABLANCOURT, née Marie MESLET

Notes

1-La vie de Jean PERROT d’ABLANCOURT, très romancée, est racontée par Renée, sous le nom de plume de R.M. Gouraud d’Ablancourt, dans La Vieille France, qui parut tout d’abord en feuilletons dans le journal La Croix en 1914.

2- Première fille – Renée Marie Lucie Gouraud, le 18 octobre 1873, Limoges. Epouse Marie Alphonse Raymond PINOTEAU, lieutenant d’infanterie, le 25 octobre 1897, au Plessis-macé. Aura deux filles, mais meurt des suites de son deuxième accouchement en 1901. Son mari, remarié, meurt pour la France le 22 août 1915.

3-Seconde fille – Marie Clotilde GOURAUD naît à Saint-Martin-Terressus, village situé non loin de Limoges, à l’Usine, le 31 mars 1876. Elle épouse à Paris, le 20 mai 1901 Jacques Eugène Henri TOUTAIN et vit ensuite à Laval en Mayenne. Son mariage, comme celui de sa sœur, a été annoncé en grande pompe dans la presse mondaine. Le couple a plusieurs enfants. Elle meurt à Laval en 1961.

4-22 novembre 1878 – La Meignanne – Naissance de la troisième fille de Renée, Marie-Cécile GOURAUD. Elle épouse à Paris, le 24 juillet 1899, Charles DUTARTRE, un agent de change. Elle meurt le 22 décembre 1972, à Villiers-Charlemagne, en Mayenne, à l’âge de 94 ans.

5- Nicolas Perrot d’Ablancourt – Traducteur de Cicéron, Tacite, Xénophon, César, Lucien, etc., il a traduit aussi des ouvrages espagnols et a laissé quelques œuvres en prose. Louis XIV lui maintint une pension de mille livres, mais refusa d’en faire son historiographe parce qu’il était protestant. Il fut élu à l’Académie le 23 septembre 1637 en remplacement de Paul Hay du Chastelet. « Il est de tous nos écrivains en prose celui qui a le style le plus dégagé, plus ferme, plus résolu, plus naturel. Son génie est sublime ; et quoiqu’il soit sans comparaison le meilleur de nos traducteurs, c’est dommage qu’il se soit réduit à un emploi si fort au-dessous de lui. «  (Chapelain). Voltaire a dit qu’il était un « traducteur élégant » ; mais on appela ses traductions « de belles infidèles » (Voir notice de R. Kerviler, Paris, Menu. 1877). Patru qui fut son ami, a contredit l’affirmation de Ménage et d’autres après lui, qui assurèrent que d’Ablancourt s’était suicidé. (d’après le site de l’Académie française).

Illustration pour la couverture de la réédition de Véga la Magicienne chez Banquises et Comètes par Ronald Bousseau.
(avril 2022)


Quelques exemples de chroniques et d’articles écrits par Renée Gouraud d’Ablancourt parus sous différents nom de plumes.

Le Petit Echo de la Mode

 

L’élan de la Mode

  • 7 juillet 1907, Les Belles Œuvres sociales féministes, Union Internationale des Amies de la Jeune Fille, Section Parisienne, Sous la direction d’un comité, Mme Fisch, Présidente (suite), René d’Anjou.
  • 24 juillet 1910, Les Echos du Monde, La Reine Mary, René d’Anjou.

La Mode Illustrée

  • 12 mars 1911, Deuxième grand concours de l’art au foyer autour des berceaux, avec en illustration, les portraits des différentes organisatrices/bienfaitrices dont Mme Gouraud d’Ablancourt.
  • 12 avril 1914, Les douze avril du siècle, René d’Anjou, p.12/17. (Retronews)
  • 17 janvier 1915, Le Roi Albert de Belgique fils de France, Gouraud d’Ablancourt, p.8/10. (Retronews)
  • 24 janvier 1915, Galerie d’Ambulancières, Madame Georges Berthoulat, Gouraud d’Ablancourt, p.7/8. (Retronews)
  • 7 février 1915, Galerie d’Ambulancières, Mme Ida Rubinstein, Gouraud d’Ablancourt, p. 6/8. (Retronews).

La Vie Heureuse

  • 15 août 1910, Enfants Royaux, Les cours, Gouraud d’Ablancourt, p.3/25. (Retronews)

A suivre…. !

5 réflexions sur “Renée Marie Gouraud d’Ablancourt (1853-1941), une romancière angevine

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